C’était le vent annoncé par la météo, soit du 5 à 9 nœuds venant du Nord-Est. Nous serions passés, sans en sentir les effets, dans un régime de haute pression.
Comme nous sommes restés pendant plus de trois jours sans naviguer (!), il fallait aller sur l’eau coûte que coûte, pour tester ce vent d’Est que l’on sait si capricieux.
Avec un vent d’Est, nous eussions dû partir au grand largue… et nous voilà au prés ! Dominique scrute l’horizon vers l’Est mais ne voit rien venir… Elle n’a pas eu le loisir de voir cette étrange embarcation qui nous évita de justesse :
Un « Skiff », un B14. Diable, on n’en voit peu à Sanguinet (Sanguinet est spécialisé dans le cata Class A… et le multimono).
C’est le premier jour d’entraînement des équipages de skiff venus à Sanguinet pour une compétition internationale réservée à cette série de bateaux de 18 pieds, pour 2 équipiers, bateaux avec « échelles », tangon rétractable, spi asymétrique, etc.
Effectivement, à la sortie de la conche de Sanguinet, le lac s’illumine des couleurs des spis d’une série de bateaux dénommés les 49er. Prononcer « Forty-Niners ». Il parait que l’architecte naval qui conçut ce modèle de 18 pieds (4,20m) était un admirateur d’un club de sport américain affublé de ce nom… Une affaire d’anglo-saxons en quelque sorte.
Alors, nous nous sommes dirigés vers cette zone du lac très vivante ce jour-là.
Carte qui nous montre que le vent de Nord-Est était en fait un vent d’Ouest-Sud-Ouest, soit l’opposé complet.
Un tout petit vent de force 2, force 1, vent qui permettait aux 49er d’évoluer entre des bouées très rapprochées, le tout sous la surveillance des zodiac de la FFV ! Ça ne rigole pas.
On s’approcha à pas feutrés.
Ici, les 49er à spi bleu et violet terminent un bord au vent portant alors que le bateau sans spi a déjà viré la bouée verticale que l’on aperçoit à peine. Le spi s’affale en trois secondes ! C’est nettement plus rapide que sur multimono.
On remarquera que les drapeaux de nationalité sont tous placés à la même place sur la voile. Même standardisation pour les numéros, la marque de nationalité et la place réservée aux sponsors.
C’est un bateau sportif qui se pratique debout ! Le moindre virement est du type virement « bascule » avec la possibilité toujours présente de basculer à l’eau.
Sur le n° 655 FRA, on distingue l’équipier qui vient de bondir au rappel, vaguement retenu par un étais à mousqueton rapide. Par vent légèrement plus fort, les deux équipiers passent leur temps hors du bateau. Les « échelles » (que l’on nomme « trampoline » sur le multimono) permettent aux équipiers de transporter leur poids le plus loin possible de l’axe du bateau. Ils créent alors un couple de redressement nettement plus fort que sur un 420 ou un laser. C’est cet avantage qui a permis à cette série de surpasser les mythiques 420 et autre laser. En fait, c’est un bateau qui a copié le mulltimono.
Autre particularité de cette série : un modèle réservé aux femmes. La voilure (signalée FX) est plus réduite pour compenser la différence de poids avec les hommes. Si les concepteurs de cette série avaient séjourné à Sanguinet, ils se seraient rendu compte combien ce présupposé était faux ! Enfin…
Arriva ce qui devait arriver et qui mit tout le monde d’accord : panne de vent subite.
Francis en profita pour hisser notre gennaker.
Restait plus qu’à attendre une reprise de l’activité atmosphérique.
On attendit un bon quart d’heure.
La prévision météo n’était donc pas vraiment la bonne. Ce qui s’est passé, au point de vue « vent », serait plutôt de cet ordre :
Ce genre de situation échappe à tout logiciel de prévision.
On n’en veut pas aux fabricants de logiciels météo (qui ne sont que des calculs de statistiques).
D’ailleurs, en quelques secondes, le fameux vent d’Est surgit à force 3. Alors que nous attendions une reprise du vent d’Ouest. Le gennaker déployé pour une allure portante se trouva donc placé dans le rôle d’un génois au prés !
Avec le gennaker au prés, vaut mieux avoir des gants sur les mains, même si le vent n’est qu’à 7 ou 8 nœuds.
Cette brusque reprise de l’activité atmosphérique sema la panique dans la flotille des skiffs, notamment chez les 29er, le modèle plus petit que le 49er et en principe réservé aux jeunes. Les jeunes, qui se dirigeaient droit vers le bar du Club de voile, ont dû retourner au charbon !
Le 29er est en fait très légèrement plus petit et moins toilé. Et comme tous les skiffs, à faible allure (ou à l’arrêt), il faut sans cesse établir l’équilibre du bateau en se déplaçant. Pas question de s’asseoir.
C’est pas vraiment le bateau préféré des retraités. Apparemment, les jeunes y prennent un plaisir certain. Qu’ils en profitent, ça ne durera pas éternellement.
D’ailleurs, « Doù venez-vous ? »
– De Nantes !
– Et vous n’avez pas peur de vous confronter aux Sanguinétois ?
– Même pas ! En tout cas, il est vraiment chouette votre bateau !
– Merci les gars, ça se voit que vous êtes des connaisseurs.
Puis on laissa repartir ces jeunes au travail. Le staff des entraîneurs avait replacé les bouées. L’entraînement durera jusqu’à la nuit.
C’est donc bien assis sur les bancs que l’équipage de Potemkine se dirigeait prudemment vers le port des Oréades.
On reconnaît Dominique, ici au « rappel », version multimono apaisé.
Position qui permet d’apprécier les paysages de Sanguinet.
Ça vaut toutes les mers du monde.